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Martinique : L'Histoire de la Yole !

Alain Paulmin - Lundi 1 août 2022

Tout d’abord qu’est-ce qu’une yole ?

La yole est une embarcation légère, étroite et allongée qui propulsée à la façon aviron. Les premières yoles sont apparues en Europe vers le 17ème siècle et étaient utilisées dans des compétitions entres rameurs. Le mot « yole » vient du norvégien « jol » qui signifie canot (cf. photo ci-contre d'une « jol » norvégienne).

C’est d’abord le gommier qui arrive en Martinique au début des années 1900. C’est un canot fabriqué à l’aide d’une voile en tissu et d’un bois, le gommier dont il a adopté le nom. Les gommiers servaient à la pêche et des courses étaient organisées entre pêcheurs. Les gommiers les plus célèbres étaient Miss Paulette du Vauclin, Yvette Bien Aimée du François, Nelly du Robert ou encore Dieu Madre des Anses d’Arlets.

Ces courses attiraient déjà de nombreux spectateurs.

Mais le gommier devenu rare dans les forêts martiniquaises et instable quand il fallait supporter une importante voilure, il fallait se tourner vers une autre solution. C’est à cette période qu’est apparue la yole vers 1940 dans les ateliers d’un charpentier de la marine Jean Lafontaine au François.

La construction d’une yole est souvent longue. Il faut avoir le temps et les moyens financiers pour rassembler les coutils de construction. Sur une quille solidement fixée à un étambot sont fixées des membrures, des planches de bois de forme arrondie.

Elles sont calfeutrées et mastiquées pour assurer l’étanchéité de l’embarcation. Tous les travaux sont réalisés à l’aide d’une hache dans les ateliers d’un charpentier marin.

La coque d'une yole d'aujourd'hui d’une longueur comprise entre 8 et 9,30m en moyenne doit être assez solide pour supporter un mât et les différents bois dressés. Le bois utilisé pour la construction est le poirier local sauf pour la vergue où il s’agit de bambou. Enfin, après la fabrication la peinture est confiée à un peintre spécialiste.

Il faut cependant savoir que la yole est dessinée, pensée dans les moindres détails avant même de commencer la découpe des bois pour sa conception. Tout (taille, forme, coupe, couleurs, financement) est défini en amont de manière à en faire une embarcation qui répondra aux attentes du patron et de l’équipage pour qui elle est prévue.
Premières courses

Après sa conception en 1940, la yole plus rapide et plus stable en mer que le gommier sera alors adoptée par les pêcheurs. Ces derniers se lancent des défis lors de joutes verbales « tiraj » pour vendre leurs poissons le plus rapidement. Le dimanche suivant, après la messe ces pêcheurs se retrouvaient dans leur embarcation et se disputaient des régates acharnées. Les Békés n’hésitaient pas à parier sur une yole représentant leur quartier ou leur commune.

En 1945, les courses deviennent réglementées et des régates sont organisées entre des communes voisines mais il faudra attendre les années 1960 pour voir les prémices du Tour de la Martinique des Yoles Rondes tel que nous le connaissons actuellement.

En 1966, quatre passionnées se lancent le défi de réaliser un tour de l’île à bord des yoles. Les yoles s’appelaient Étoile, Frisson, Odyssée et Mouette ou Boeing selon les sources. L’équipage n’était composé que de 3 coursiers ! Un barreur et deux dresseurs qui sur des embarcations de 7 mètres de longueur atteignent leur but au cours de 4 étapes chacune disputée au cours du week-end.
Ce tour de la Martinique aura à nouveau lieu en 1967 et 1968 avant de s’arrêter suite aux difficultés de navigation rencontrées lors de l’édition 1968.

Cependant les courses sont populaires et attirent un large public aux abords des plages et c’est ainsi que naîtra une organisation, la Société des Yoles et des Gommiers fondée par François Emica alors directeur de l’information à Radio France Outremer, Georges Brival, un publicitaire passionnée des yoles et les propriétaires de yoles rondes parmi lesquels Henri Hayot, Théogène Marie-Louise, Viviès, Dachir Christophe et Albéric Ursulet en 1972.

En 1981, les gommiers se séparent des yoles et c’est l’association est renommée Société des Yoles Rondes.
18 régates sont organisées tout au long de l’année généralement lors des fêtes patronales mais aussi lors de fêtes nationales (14 juillet ou Armistice du 11 novembre)

Treize ans plus tard, en 1985, Georges Brival (Photo ci-contre source: georgesbrival.com) alors président de la Société des Yoles Rondes de la Martinique relance l’idée de l’organisation d’un tour de la Martinique des Yoles Rondes. Les municipalités seront les premières à investir dans l’organisation des épreuves puis ensuite les entreprises locales répondent à l’appel pour sponsoriser ces yoles.

Photo ancienne d'une course de yole
Il faut dire que voir le nom de son entreprise affiché sur la voile d’une embarcation au cours de compétitions de plus en plus populaires était aussi une publicité marquante pour ces dernières.

Le dimanche 11 août 1985, 8 yoles (Monoprix, Nissan, Valda, Locatel, Tac o tac, Raissa, Caresse Antilllaise et Ki sa ou pé di) s’élancent sur un parcours divisé en 5 étapes (Vauclin, Trinité, Saint Pierre, Fort-de-France et Sainte-Anne) au départ du Vauclin avec plus d’une dizaine de coursiers par canot. La yole du Marin Monoprix dirigée par Désiré Lamon remporte l’épreuve.

A partir de 1989, le nombre de yoles participantes varient entre 15 et 21 participants. Pour participer au tour, cela demande un certain budget (frais de logistique, gestion des coursiers, etc…)

Afin d’assurer la relève, une nouvelle section a été créé, les « Bébés Yoles » dans le but de former les nouvelles générations à intégrer et s’entraîner à ce sport unique au monde. Cela a déjà porté ses fruits avec Laurent Mas patron de la yole gagnante du Tour en 2016, fils de Joseph Mas qui a remporté lui le Tour 4 fois (1986, 1993, 1995 et 1998).

Le Tour des yoles aujourd'hui

Les yoles en elles-mêmes ont constamment évolué pour les rendre plus rapides. Elles ont été allongées passant de 7 à 9 mètres pour contenir plus de coursiers (jusqu’à 14 coursiers), la voile originellement en coton sont remplacées par des voiles en nylon, matière plus légère et permettant d’utiliser des voiles beaucoup plus grandes.

Ce merveilleux spectacle en mer demande malgré tout beaucoup d’aptitudes :

Physiques car il faut avoir suffisamment de force pour maintenir son bois dressé ou encore manier constamment la pagaie
Tactiques car il faut savoir selon le vent et les courants quelle taille de voilure sera la plus adaptée
Managériales car le capitaine doit gérer et commander la vingtaine d’hommes qui compose son équipe.

Spectacle local, le Tour de la Martinique des Yoles Rondes est aussi devenu un atout touristique majeur et ce sport local attrait au-delà des frontières de notre île.

Aujourd’hui le Tour de la Martinique se déroule généralement sur 8 courses dans un parcours inverse des aiguilles d'une montre en raison des courants marins environnants. La première course, le prologue n’est pas pris en compte dans le classement au temps et peut être vu comme un tour de chauffe avant la compétition. Il permet cependant d’attribuer le maillot rouge du leader à l’équipage qui aura remporté la course.

Maillot vert de classement aux points
Les différents maillots sont :

Le maillot rouge du leader
Le maillot vert du classement aux points
Le maillot bleu du vainqueur de l’étape précédente

A noter que des femmes font parfois partie des équipages. D’ailleurs en 2011 une yole Nouvelles Frontières était composée en majorité de femmes et qu’elles ont fait belle figure lors du Tour des Yoles.

Félix Mérine avec le maillot bleu de vainqueur d'étape
Félix Mérine est actuellement le recordman du nombre de victoires avec 10 tours remportés. Cette année encore les « Mapipis » favoris sont nombreux. Alors qui sera le prochain vainqueur ?
Historique du Tour de la Martinique des Yoles Rondes

Année Ville de départ Liste des vainqueurs

Nom de la yole Commune représentée Patron de l'équipage

1985 Vauclin Monoprix Marin Désiré Lamon
1986 Marin Caresse Antillaise François Joseph Mas
1987 Vauclin Nissan François Charles Exilie
1988 Marin Martinique Chanflor Robert Frantz Ferjules
1989 Robert Nissan François Georges-Henry Lagier
1990 François Budget Robert Félix Mérine
1991 Robert Sisal Robert Frantz Ferjules
1992 Fort-de-France Ets. Rosette François Charles Exilie
1993 Fort-de-France Ho Hio Hen François Joseph Mas
1994 Robert Ets. Rosette François Georges-Henry Lagier
1995 Sainte-Anne Ho Hio Hen François Joseph Mas
1996 Schœlcher Ets. Rosette François Georges-Henry Lagier
1997 Trinité Ets. Rosette François Georges-Henry Lagier
1998 Diamant Ho Hio Hen François Joseph Mas
1999 Robert Ets. Rosette François Georges-Henry Lagier
2000 François Ets. Rosette – France Télécom François Georges-Henry Lagier
2001 Fort-de-France Géant – Canon Robert Félix Mérine
2002 Saint-Pierre Géant – Orange Robert Félix Mérine
2003 Fort-de-France Géant – Orange Robert Félix Mérine
2004 Schœlcher Ets. Rosette – France Télécom François Georges-Henry Lagier
2005 Diamant Ets. Rosette – France Télécom François Georges-Henry Lagier
2006 Robert U.F.R. – Géant Robert Félix Mérine
2007 Fort-de-France U.F.R. – Géant Robert Félix Mérine
2008 Trinité Mirsa – Dr Roots François Joseph Mas
2009 Vauclin Joseph Cottrell – Optical François Guy-Albert Romer
2010 Fort-de-France Joseph Cottrell – Leader Mat François Guy-Albert Romer
2011 U.F.R.-Chanflor U.F.R. – Chanflor Robert Félix Mérine
2012 Robert Brasserie Lorraine – ISUZU Marin Johan Jacqua
2013 Marin U.F.R. – Chanflor Robert Félix Mérine
2014 Fort-de-France Ets. Rosette – Orange François Jacques Amalir
2015 François U.F.R. – Chanflor Robert Félix Mérine
2016 Fort-de-France Zapetti Appaloosa François Laurent Mas
2017 Fort-de-France Ets. Rosette – Orange François Jacques Amalir
2018 Schœlcher U.F.R. – Chanflor Robert Félix Mérine
2019 François Brasserie Lorraine – SARA énergies nouvelles Marin Diany Rémy
(Source Martinique 1ere)

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