Guyane : Le président de la Ligue de Foot de Guyane, répond aux accusations de Mr Molina

Alain Paulmin - Lundi 28 octobre 2024

Monsieur Marcel BAFAU
Président de la Ligue de Football de la
Guyane

à

Monsieur Romain MOLINA
Journaliste français

Objet : lettre ouverte à la suite de votre vidéo sur
la ligue de football de la Guyane
.
Monsieur Molina,
J’ai pu prendre connaissance de votre dernière vidéo sur la Ligue de Football de la Guyane et votre travail d’investigation mené à charge contre l’instance que j’ai l’honneur de présider, sans jamais chercher à rentrer en contact avec moi (en dépit de vos affirmations), je suppose confortablement installé depuis certainement la chaise de votre jardin en Andalousie loin de votre Lyon natal.
Je constate que vous avez fait des pays d’Outre-mer en cette période de renouvellement des comités directeur vos cibles privilégiées, n’hésitant pas à salir, à calomnier des acteurs engagés et sérieux sur des informations que vous juxtaposez à votre guise en laissant croire au public que chez nous tout n’est que chaos.

Cette façon que vous avez dans votre vidéo de nous insuffler à coup de comparaison avec les ligues de l’hexagone votre vision « d’éducation » à la gestion d’une ligue me rappelle les récits d’antan des
différents explorateurs et missionnaires qui découvraient de nouvelles cultures…
En laissons un temps de côté vos « a priori » pour une analyse constructive de votre vidéo en prenant le soin d’extirper tous les aspects subjectifs de vos affirmations, elle soulève des questions importantes de fond sur le paysage sportif de nos pays d’Outre-mer, cependant, je tiens à exprimer mon désaccord avec certaines de vos affirmations ou suppositions.

Le sport dans nos pays d’Outre-mer est bien plus qu’une simple activité physique, il représente nos
cultures, une identité et une source de fierté de toute une région ayant une communauté de destin en commun.

Dès lors, les choix en matière de politique sportive de nos ligues différeront de la sacrosainte pensée universelle unique de certains acteurs de l’hexagone.

C’est en fonction de ces constats que nous investissons beaucoup sur la sélection senior des Yanas Dokos qui lors de la dernière campagne de la League des Nations de la CONCACAF alignait pas moins de 8 joueurs évoluant dans l’hexagone et ayant fait leurs classes dans leurs clubs en Guyane et passés par notre section d’excellence sportive. Un de ses joueurs est originaire d’Apatou à l’extrême ouest de la Guyane.

Face au Honduras et le Nicaragua c’est à nouveau toute la Caraïbe, l’Amérique du Nord et Centrale qui a vu notre petite région pays de la Guyane à travers sa sélection défier et tenir en respect ces grandes nations du football.
La FFF n’a pas fait de l’équipe de France sa locomotive en termes d’image et de ressources financières ?

A-t-elle par rapport à son choix fait l’objet de tels articles sur les médias nationaux ?
Habituellement nous faisons la une de vos journaux pour toutes les difficultés qui gangrènent notre pays, la drogue, la délinquance, la violence… C’est une réalité qui accommode tout le monde !
Les ligues et les sportifs issus de nos pays font face à des défis uniques et notre passion, notre
détermination sont des exemples de résilience dans des contextes sociaux et économiques dégradés.

Votre analyse qui ignore totalement ces réalités locales et qui tend à imposer une vision des modèles occidentaux de gestion et de politique sportive reflète une posture néocoloniale !
En effet, comment mettre de côté par exemple que nos clubs n’ont aucune perspective après le titre de champion de la régionale 1 car nous sommes totalement absents de la pyramide des compétitions fédérales ?

Comment expliquer qu’il nous a fallu plus de 10 ans pour que nos féminines puissent avoir le droit de disputer la coupe de France féminine et que pour le moment la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe après avoir obtenu l’autorisation fédérale de jouer en coupe de France doivent financer sur leurs fonds propres le tour interrégional ?

Comment développer l’arbitrage de haut niveau quand nos fédéraux n’ont d’autres perspectives qu’une hypothétique désignation lors d’une phase de coupe de France ?
Comment empêcher la fuite de nos talents vers l’hexagone, comment les détecter, accompagner leur progression ?
Comment faire en sorte que nos communes obtiennent des fonds exceptionnels afin de leur permettre de faire face aux besoins en infrastructures alors qu’elles ont déjà tellement à faire dans d’autres secteurs ?

A toutes ces questions qui restent souvent sans réponse efficace et entachées de dynamiques de pouvoir administratives et financières inégales, nous investissons et innovons dans de nouvelles compétitions et initiatives qui coûtent effectivement.
Mais comment faire autrement ? Un comité en place doit-il gérer le quotidien sans jamais chercher le dépassement des petites habitudes et résignations que nous impose la vision néocoloniale de certains acteurs que vous véhiculez ?
A certaines de ces questions nous avons innover avec la Martinique, la Guadeloupe et ST Martin en
créant la Ligue Antilles Guyane de football qui a mis en place la « Coupe Vyv masculine » (compétition interrégionale des 4 premiers de chaque département), la « Coupe Vyv féminine », les championnats inter ligues pour les champions en jeunes des catégories U15, U17.

Vous passez également sous silence toutes nos réussites comme le « futsal day » pour la sélection senior de futsal où la Guyane sort vainqueur du tournoi pourtant très relevé (participation du Brésil, Suriname, Martinique), la participation de nos U15 filles au championnat de la CONCACAF, nos U13 au tournoi de Mer dans l’hexagone, nos U14 vainqueurs du tournoi international de l’US Mer dans l’hexagone et finalistes contre toute attente du championnat de la CFU (zone Caraïbes), je m’arrête la car la liste des réussites est encore longue…

Même oubli de votre part sur l’effacement de la dette des clubs à la suite du covid 300 000 euros et en mettant en place avec eux des moratoires souples quand la situation de certains sont difficiles pour le paiement du « reste dû ».

Tout cela, Monsieur, nous le réalisons effectivement en « jonglant » constamment avec les finances
insuffisantes pour réaliser les besoins d’un pays grand comme le Portugal mais à qui on refuse le droit d’une émancipation sportive au niveau de son statut qui lui permettrait d’avoir plus de moyens financiers afin de faire face à ses grands défis pour son développement.
De surcroît si vous aviez pris le temps de discuter avec les présidents des ligues des Antilles Guyane, vous auriez su qu’appartenant à la CONCACAF chacun d’entre nous perçoit une indemnité CONCACAF (comme tous les autres présidents de la CONCACAF) de plus de 23 000 euros par an ce qui représente 92 000 euros sur une mandature que nous laissons chaque année à disposition de nos ligues respectives afin de soutenir le fonctionnement au niveau financier, preuve de notre engagement bénévole totale et désintéressé en faveur du développement de notre discipline et de l’épanouissement de notre jeunesse.

Alors effectivement, Monsieur le journaliste MOLINA, nous ne sommes pas comparables à une ligue
lambda de l’hexagone, nous sommes différents et rencontrons des problématiques spécifiques uniques ! Je vous encourage à explorer ces questions soulevées plus en profondeur et à considérer la voix des acteurs principaux souvent marginalisés, dans un dialogue respectueux et équilibré qui pourrait enrichir votre travail et contribuer ainsi à une meilleure compréhension des enjeux sportifs actuels de nos régions au lieu de démolir et avilir…

Marcel BAFAU
Président

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